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Le Patois Fougerollais

          Notre patois n'est pas, comme on l'a dit trop souvent, une déformation de la langue française . Il est beaucoup plus ancien. Autre remarque préliminaire, il fut une langue parlée et écrite. 

          Spatialement, notre patois fait partie des patois de l'ancienne province du Maine. Une de ses bases, commune de nos parlers provinciaux français, est le langage bas-latin, le latin ayant été diffusé en Gaule à la suite de la conquête de cette dernière par J. CESAR. Ainsi notre patois comporte des mots d'origine latine ("pra" employé chez nous pour désigner une femme méchante, vient du latin " pravus" = dépravé ; méle , le fruit du néflier, vient directement d'un mot latin). Notre patois mayennais-fougerollais se classe donc parmi les langues romanes et comprend des termes communs à ceux des autres provinces françaises; preuve qu'il fait bien partie d'un fond commun aux parlers de l'ancienne France. Il n'est pas n'importe Quoi.

          Quand à notre patois lui-même, il a un riche vocabulaire.. Rappelons quelques mots. Quelques mots communs : les queniaux ( les enfants), la goule ( la bouche), la panse (le ventre), les hardes ( les vêtements) ,la heune (la culotte), la borsette (la mâche), la surette (l'oseille), une achée (un ver de terre), un suchton (un reptile)... Quelques verbes : cotir (éclabousser), écaigner (harceler), endéver (enrager), degeiger (se moquer en imitant), cusser (se plaindre)....Trois remarques : l'enrichissement de ce patois au cours des siècles a créé des synonymes autour de certains mots : pleurer se disait aussi pigner brailler et même crier ( ce mot venu de Normandie au sens de pleurer fut toutefois assez peu employé chez nous, peut-être à cause de la confusion possible avec crier (parler fort), ou O avec le participe qu'ri, du verbe quérir). Autre remarque : la création des familles de mots de même racine. Exemple : à partir de "pinger", pignasser, pignard, prignarde, pignoteries.on constate aussi que certains mots sont imagés, exprimant ce qu'ils désignent par leur sonorité : crouiller prononcé évoque le bruit de la clé dans la serrure, ouincer prononcé fait entendre au bruit aigu. 

          Citons quelques particularités grammaticales : dans les conjugaisons, le pronom " nous" n'est jamais employé, mais remplacé par "on" ou "va" à la place de "nous allons", et ce, à tous les temps de la conjugaison des verbes. Autre remarque, la concordance des temps n'est plus respectée : " i faut que j'fais" au lieu de il faut que je fasse". 

          La prononciation de notre patois à aussi des particularités : cas le plus simple, la suppression de la lettre qui gène ; "il vienra" pour "viendra". Autre cas, le son d'une syllabe est transformé 'cherge pour charge ;  pour moi, té  pour toi), avec des transformations parfois importantes ( jua pour cheval ) . Il a aussi le cas où , dans un mot deux consonnes sont voisines (br, gr,bl.... ) rendant difficile la prononciation du mot. Pour l'adoucir, on intercalait une voyelle entre ces deux consonnes. Ainsi  vendredi devient venderdi, brebis devient berbisbrioche berioche, brouette berouette. La voyelle i apporte aussi une solution ; elle remplace la seconde consonne : piace pour place. Quand aux mots terminés par "au", la lettre i est ajoutée, et au se prononce "a" : l'ia, le coutia, le via pour l'eau, le couteau, le veau.

          Notre patois était parlé autrefois par toute la population, à l'exception du curé, du notaire, du médecin, de quelques administrateurs et de la bourgeoisie locale. Puis les bourgadins, continuant à le comprendre, ne le parlèrent plus et il disparaît peu à peu chez les agriculteurs. 

          La contre les patois fut d'abord  menée par les autorités gouvernementales Parisiennes. Le Roi François 1er, en 1539 imposa le français (en réalité, le patois de la région parisienne) pour les actes officiels. Puis l'Abbé Grégoire, député à la convention(1792-1795) reprit la lutte. Mais c'est sous la Troisième République, avec Jules Ferry, que cette lutte aboutit, en 1881-1882, à la loi scolaire instituant l'enseignement obligatoire, gratuit et laïque dans chaque commune, avec pour base la langue française. Fougerolles eut donc ses écoles de filles et de garçons auxquelles s'ajoutèrent par la suite deux écoles privées. Ainsi le patois recula chez les jeunes. Au XVIIIéme siècle, Marie-Elisabeth DUBOURG; parisienne, créant l'Hospice, une école féminine enseignant le français, avait déjà contribué aussi au recul du patois.

          Mais ce recul fut dû aussi aux grands changements dans les manières de vivre et de travailler des Fougerollais. La TSF, la télè, le téléphone y contribuèrent aussi. Il devint même parfois objet de distraction lors de représentations théâtrales, ou chanté, après un bon repas, par ceux qui ne l'on pas oublié ou par des jeunes soucieux de provoquer le rire.

          Toutefois une attitude nouvelle apparaît. Pour certains, le patois ne doit pas être oublié, même s'il devient une langue morte, car il renferme des racines de notre langue nationale, il représente une richesse de notre passé local, il est une richesse historique. Des ouvrages sur la question paraissent actuellement en Mayenne. Sauvetage, certes, difficile puisqu'il ne sera plus parlé, il y a l'oubli, les réticences de ceux qui refusent un regard sur le passé, ou qui, ayant parlé patois, n'ont pas oublié certaines moqueries à leur égard . Mais il serait bon de garder le souvenir de ce parlé ancien, d'en faire des relevés pour les générations futures, à l'imitation des travaux déjà engagés en Mayenne, car au même titre qu'un monument qui reflète le passé local, notre patois fougerollais fait bien partie de notre patrimoine.

 

                                                                                                   Huguette FLATRES-MURY

 

          Et, pour terminer, voici quelques expressions locales :      

           " pu de goule que d'effet"  ( plus de bavardage que d'action

           " I mange à goulle que vieu-tu"  ( il mange beaucoup, il est gourmand)

            "elle é eun venue d'sorte" ( elle est très agréable, serviable)   

            " su mon vélo y a un guerlot un dirigeouer de course et des rabats-bouillon "'(grelot, guidon, garde-boue)

            " j'e les nerfs qui s'attaponnent " ( les nerfs qui forment un tapon et font souffrir 

            " on a t'i du deu su la tér avant d'entréd'dans" (combien on souffre sur la terre avant d'y être enterré)

           " deu " mot d'origine latine, " elle a les bas en vis de peursoué" (bas non détirès descendant en tire bouchon)

           " a la devallée" ( 

           " elle esr grosse comm' une teurmée" ( une trémie )

           "è n'avange à rin" (elle n'avance pas dans son travail)

          " apportez vout' coutia" ( on vous invite à diner, apportez votre couteau )

          " J'va t'jarté" ( je vais te donner un coup sur le jarret)

          " I ca gaté d'lia" ( il va uriner)

          " c'est le bon gars ,mé dem çà bè" ( c'est le bon gars mais dame ça boit)

          " viens donc bére un coup d'ci t au cu d'la pipe" ( viens boire un verre de cidre au tonneau)

          "il é bu" il est ivre)

          " i s'est mort" ( il est mort)

          " ça vient par ravirées" ( par moment)

          " j'en è t'i achéson !" ( comme j'en ai assez !)

         " il est " ( il est asthmatique)

           

Date de dernière mise à jour : 2022-11-20 10:16:09

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