Chapelle de Courbefosse
Courbefosse est située à 3 km du bourg de Fougerolles, sur l'ancien chemin de Fougerolles à St Hilaire du Harcouet. Pour s'y rendre, on emprunte la route de Savigny, puis branché sue cette route, à droite, un très court chemin rural (quelques dizaines de mètres) qui conduit à la chapelle d'ailleurs visible de la route. A proximité immédiate, se trouve une habitation, ancienne ferme, dénommée " La Chapelle".
1 - Le legs du passé médiéval : un héritage multiforme
" Courbefosse" est mentionné dans les textes anciens : " locum de Curva Fossa ": 1135 ;et " locus et capella de Curva Fossa " : 1154 ; " Terra de Curva-Fossa " : XIIIé siècle (Archives Nationales).
L'édifice religieux domine la vallée de la Cambre. Ce dernier nom, la Cambre, est d'origine celtique (gauloise) signifiant " courbe", sans doute à cause des méandres qui affectent la rivière en mains endroits, d'où le nom de " Courbefosse " lié à la fois aux courbes de la rivière et au vallon (fosse) que la rivière a creusé.
Le lieu-dit Courbefosse, malgré la simplicité et le caractère assez peu attractif du site (la vallée de la Cambre n'est pas très profonde en cet endroit) présente, superposés ou juxtaposés, des intérêts culturels multiples, de nature différente, parfois curieux, voir mystérieux. Cet ensemble divers sur un même site incite à en faire l'investigation, à tenter de localiser précisément chacun des aspects et d'établir un lien spatial entre eux, puis à chercher un fil conducteur qui, à travers les siècles, conduirait à la chapelle actuelle. Quels sont donc des temps les plus reculés jusqu'à aujourd'hui, les particularités qui font la richesse de Courbefosse? Quatre thèmes sont à inventorier : celui de la fontaine, celui de la statue, celui de l'ermitage, celui des bâtiments mythiques proches.
- La fontaine : abondance et pouvoir guérisseur
A proximité de la chapelle actuelle, à une trentaine de mètres, en contrebas, dans la vallée, on signale l'existence d'une fontaine. A. Angot, dans son dictionnaire de la Mayenne en signale trois, dont une avec un rebord pavé. Aujourd'hui la fontaine est très réduite et parfois asséchée, à cause des débocagements qui précipitent l'eau de ruissellement vers la rivière, selon les voisins. La tradition lui attribue un pouvoir guérisseur. On cite aujourd'hui encore des personnes des environs et même originaires d'une commune voisine, qui viennent s'approvisionner à la source. Son eau, qualifiée actuellement de "bleutée", guérissait, dit-on, des fièvres, des maux de d'yeux et de diverses maladies. L'abondance des eaux en ce lieu, abondance du moins ancienne, et leur pouvoir guérisseur intriguent. Les données géologiques font état d'un sous-sol composé de formations sédimentaires anciennes argilo-schisteuses pénétrées par les cristaux des masses granitiques voisines et, comme on dit en langage géologique,"métamorphisées". Datées du Précambrien, elles remontent à l'ère la plus anciennes dans l'échelle géologique de notre région. Le fond de la vallée de la Cambre a été remblayé par des alluvions très récentes argileuses et les plateaux environnants portent quelques placages de "limon" d'origine éolienne étalés là aux périodes du péri-glaciaire. De plus la chapelle se trouve à proximité d'une faille presque Nord-Sud signalée sur les cartes géologiques. Elle ne joue aucun rôle dans le relief local et a sans doute peu contribué à modifier la composition du sous-sol. Toutefois l'abondance de l'eau est encore constatée aujourd'hui en certains points de ce secteur : des habitants proches de ce lieu ont fait surgir récemment une eau abondante en creusant de quelques mètres le plateau pourtant surélevé par rapport au niveau du fond de la vallée. Y aurait-il des remontées d'eau liées à des circuits anormaux le long des fissures du sous-sol? La faille signalée, bien qu'apparemment sans importance, perturberait-elle l'écoulement des eaux en les concentrant vers certains points?
Quand à la nature des eaux de la fontaine, seule une analyse chimique en préciserait la composition et éventuellement le "pouvoir guérisseur".
- La statue et ses déplacements mystérieux.
On dit qu'une statue de la Vierge se trouvait placée à proximité immédiate de la fontaine. Selon la tradition, la statue (inexistante aujourd'hui) avait été transportée trois fois à l'église paroissiale afin d'être dans un abri plus sec, mais à chaque fois elle réintégrait mystérieusement son emplacement primitif, près de la fontaine. La coexistence de la fontaine et de la statue en un même lieu ainsi que ses multiples déplacements font naître des hypothèses : au départ, s'agit-il, en cet endroit, d'une source guérisseuse païenne qui aurait été sacralisée, christianisée après coup par l'implantation d'une statue de la Vierge, à une époque qu'il est bien impossible de préciser, mais liée à l'essor du christianisme dans cette région? S'agit-il de l'effacement d'un culte des fontaines d'origine païenne lui aussi remplacé par le culte rendu à la Vierge, et plus précisément du transfert du pouvoir guérisseur de l'eau au pouvoir guérisseur de la Vierge, cette dernière priée et adorée par les populations afin qu'elle apporte secours aux malades (beaucoup plus tard, la chapelle de Courbefosse fut proclamée "chapelle de secours"). Plus prosaïquement, les retours répétés de la statue prés de la fontaine sont-ils inexplicables ou furent-ils l'œuvre de quelques voisins qui désiraient la garder près d'eux? Quelle qu'en soit l'interprétation, la présence de la statue en ce lieu, à proximité des fontaines, fut sans doute pour les populations le signe qu'il fallait construire là une chapelle dédiée à la Vierge.
-L'ermitage : signe de l'activité précoce du lieu
De manière plus précise puisque les textes des Archives permettent d'en vérifier l'authenticité, un ermitage a existé en ces lieux, habités avant même la fondation de l'Abbaye voisine de Savigny (1112). L'implantation de l'ermitage dans ce site s'explique peut-être pour des raisons simplement matérielles : l'alimentation en eau pour les ermites était assurée grâce aux fontaines, et le bois voisin, dont il reste encore aujourd'hui une partie, devait apporter aussi sa contribution. La localisation de l'ermitage de Courbefosse même est peut-être liée aussi à la présence de la statue de la Vierge autour de laquelle se serait créé un oratoire. On ignore le nombre et la vie de ces ermites. Les deux derniers : Pierre et Guillaume, auraient finalement rejoint l'abbaye voisine qui tentait alors de regrouper en ses murs les religieux isolés. Ils lui donnèrent leur ermitage " du consentement de Joslin de Poë, de ses deux fils :Richard et Robert, et de Raoul curé de Fougerolles" (A.Angot) Confirmation de la donation fut faite par l'évêque du Mans (l'évêché de Laval n'existait pas à cet époque-là) et par les papes Adrien IV en 1154 et Alexandre III en 1162.
-Le bâti supposé des environs de la chapelle ou l'imaginaire fougerollais
L'existence d'une chapelle est signalée en 1154. On en ignore l'aspect, la chapelle actuelle ayant été construite beaucoup plus tard. Mais le tableau du bâti serait incomplet si on n'y signalait pas des constructions dont l'existence apparemment mythique a été léguée par la tradition. On raconte qu'un château existait à une centaine de mètres environ de la chapelle sur une butte aujourd'hui boisée. Il n'en reste aucune trace. J. Durand de Saint Front a fait quelques recherches sur place. Il n'a trouvé aucun vestige. Et il n'est fait mention de cet édifice dans aucun texte, du moins à notre connaissance. Imaginons que le château ait existé et laissons libre cours à notre imagination, la chapelle de Courbefosse aurait pu être alors considéré comme la chapelle du château, simple hypothèse. Pour revenir à la réalité, on notera que certains habitants de Fougerolles disent avoir connu là la maison d'un sabotier. On est bien loin de l'idée d'un château ! Enfin, autre énigme : à proximité de la chapelle et non loin du bois évoqué ci-dessus, le long de la route qui conduit à Courbefosse, sur la droite quant on vient de Fougerolles, on perçoit quelques mètres de murailles basses presque cachées sous la végétation de la haie. L'imagination aidant là aussi, certains érudits locaux ont voulu y voir des vestiges gallo-romains. Sans preuve, semble-t-il. La chapelle aurait-elle été à un moment de son histoire, le centre d'un village, dont il ne resterait que quelques exploitations rurales, d'ailleurs assez éloignées les unes des autres, "Courbefosse, la Chapelle, la Petite Chapelle ?
Les temps anciens nous ont donc légué là, à Courbefosse, un lieu complexe, riche, attractif et signifiant : les composantes en sont à la fois multiples et diverses, bien que centrées pour la plupart sur le fait religieux et le culte à la Vierge. Ces composantes sont réelles pour certaines d'entre elles et vérifiables, mythiques pour d'autres, teintées de zones d'ombre, au point d'éveiller les imaginations populaires. Il est étonnant que ces données, dont certaines sont issues de la nuit des temps, aient été transmises jusqu'à nous, d'une génération à l'autre, avec une certaine cohérence. Malheureusement nous ne savons rien sur la chapelle telle qu'elle existait en ces temps reculés.
2 - Courbefosse aux XIXé et XXé siècles : le renouveau
Alors que le Moyen Age nous livre sur Courbefosse des données parfois obscures, les renseignements sur la chapelle à l'époque moderne sont clairs et précis. Passée dans le domaine de l'Abbaye de Savigny par donation au Moyen Age, Courbefosse devint à la Révolution, en 1794, comme d'ailleurs l'Abbaye elle-même, bien national. Pendant la première moitié du XIXé siècle, elle fut presque abandonnée, semble-t-il. Elle menaçait ruine. Pourtant selon A. Durand, Courbefosse fut le but de nombreux pèlerinages pendant la Révolution, "même devant la porte fermée", alors qu'à la paroisse de Fourgerolles s'était installé un prêtre assermenté : Ange Destais (qui avaït prêté serment à la Constitution Civile du Clergé imposée par les Révolutionnaires), mais qu'un nombre important de paroissiens n'acceptait pas. Mais, le calme revenu, et devant ce demi-abandon de la chapelle, un sursaut se produisit à son égard vers le milieu du XIXé siècle. En 1860 elle fut achetée par le conseil de fabrique de la paroisse afin d'y faire renaître le culte. Cette renaissance se manifesta de trois manières : la redéfinition de sa vocation religieuse, sa reconstruction matérielle et la fréquentation populaire.
La relance et la redéfinition de la vocation de la chapelle.
L'héritage des temps passés - le pouvoir guérisseur des eaux de la fontaine, la "légende" de la statue de la Vierge - avait traversé les siècles. En 1860 la chapelle fut décrétée par les autorités religieuses comme "chapelle de secours". A la suite de cette relance, les secours demandés se firent dans quatre directions :
- la première, héritage de ce passé lointain, fut la guérison de certaines maladies : infirmités des enfants, fièvres et maladies des yeux, comme autrefois, avec, probablement, amalgame entre le pouvoir guérisseur des eaux et le pouvoir d'intercession de la Vierge de Courbefosse qu'on vient implorer.
- la seconde intervention concerne la protection contre les fléaux affectant la vie agricole (fléaux climatiques, par exemple), ce qui est réalisé lors des processions des Rogations : Courbefosse est en effet une étape des processions "pour les biens de la terre".
- la troisième porte sur la protection des appelés au front lors des guerres de 1870, de 1914-18 et de la dernière guerre.
Enfin l'objectif le plus généralement visé est l'intercession de la Vierge auprès du Seigneur pour le pardon des péchés et le salut des donateurs. Par ces moyens la chapelle retrouvait son audience auprès des paroissiens fougerollais et était plus que jamais sous le vocable de Notre-Dame.
La reconstruction matérielle :
La relance du culte à Courbefosse supposait la reconstruction matérielle de la chapelle. Jaillot au XVIIIé siècle en avait signalé la ruine. Reconstruction totale ou partielle? Selon A.Angot, elle n'a aucune partie ancienne, "ni style quelconque". Une inscription gravée dans le bois sur la sablière, côté sud, "CAPELLA CURVAE FOSSAE ANTIQUISSIMA REFECTA ANNO 1860, F P C DODARD" ne donne que quelques indications. Signalons que c'est aussi à peu près à ce moment-là que l'église de Fougerolles a été reconstruite et que l'enrichissement de la commune, lié à l'essor économique du XIXé siècle se traduisit ici ou là par des constructions nouvelles, notamment dans le bourg. On peut supposer qu'il y eut des dons pour Courbefosse. Il en résulta la chapelle telle que nous la voyons aujourd'hui.
Le plan du bâtiment est un rectangle de 10m de longueur et de 6 m de largeur précédé d'une large allée autrefois bordée de lisses d'aubépines. La hauteur est de 6 m, à laquelle il faut ajouter le clocheton muni de sa cloche et surmonté d'une croix. Vu extérieurement, l'édifice est modeste. Le chevet est plat. Les matériaux de construction, moellons grossièrement taillés sont les schistes légèrement cristal listés, la" pierre d'arjalèt" ou "argealêtre" dans le langage local (G.Dottin, in "Glossaire des parlers du Bas-Maine"), avec chaînages de blocs de granite grossièrement taillés eux aussi,employés pour consolider les angles du batiment ainsi que l'encadrement de la porte et des cinq fenêtres. La porte rustique est en plein cintre et est surmontée d'un arc de décharge. On rappellera l'inscription très visible à la sablière. Le toit à deux pans est en ardoise. C'est dire la simplicité de la construction.
A l'intérieur, le décor est plus élaboré. Le sol est couvert de mosaïque, style XIXé siècle. La voûte en plein cintre, lambrissée et peinte en bleu-ciel porte le monogramme de la Vierge et des étoiles. Les murs sont recouverts d'un crépi beige orné de lignes peintes qui imitent le jointoiement des pierres taillées d'une muraille, avec, surajouté, un décor discret de fleurs de lys. Trois vitraux à couleurs vives sont modernes. Les deux autres fenêtres portent des verres épais non colorés. La nef est séparée du chœur par une grille métallique dont les barreaux se terminent par des pointes de lance dorées. A droite du chœur, une niche porte la clochette et un livre de prière. A l'entrée de la chapelle un bénitier des plus modestes est placé à côté d'un tronc métallique verrouillé et rouillé, alors que de l'autre côté de l'entrée se trouve une armoire fermée à clé et dont on a pu faire l'inventaire. La nef est garnie de bancs de bois dont les dossiers sont un peu ouvragés. Quand à l'autel en stuc blanc, il est orné, sous l'entablement, de colonnes de soutien et de décors néo-gothiques qui délimitent quelques bas-reliefs (au centre : la Vierge, l'Enfant, Saint-Joseph, avec, à l'arrière-plan, un palmier et l'âne ; sur les côtés de cette scène ont été figurés deux personnages de la hiérarchie ecclésiastique). Autour du chœur, ont été placées des statues sulpiciennes dont Saint-Joseph, Sainte-Anne et la Vierge, le Sacré-Cœur. Sur les murs de la nef s'échelonnent un sobre chemin de croix et, encadré, un texte d'intentions.
Mais de ce décor, en fait assez ordinaire, émergent deux composantes majeures, typiques de Courbefosse, car reliées à la spécialité de cette chapelle : la statue centrale de la Vierge et la grande inscription.
La plus remarquable composante - et de loin - est placée sur le tabernacle et domine ainsi la chapelle. C'est la statue de la Vierge et de l'Enfant," Notre-Dame de Courbefosse". A propos de cette statue quelques questions se posent. La statue, qui a plus de 1 m de hauteur, est dite en pierre. Elle est polychrome, et le revêtement peint ne permet pas actuellement de préciser plus amplement la nature du matériau dont la statue est composée. La Vierge est couronnée. Elle porte au doigt un anneau. Sur le bras gauche elle tient l'Enfant, qui, lui-même, présente un globe surmonté d'une croix. La Vierge est légèrement déhanchée à cause du poids de l'Enfant. Par ailleurs, elle porte aux pieds des espèces de poulaines, chaussures à l'extrémité allongée en pointes. Ces deux derniers traits, auxquels il faudrait ajouter l'allure un peu gauche de la statue, en font une statue ancienne. Certains l'ont datée du Moyen-Age, XIVé ou XVé siècle,à cause du déhanchement et des poulaines. S'il en était ainsi, et c'est probable, on aurait là sans doute le seul vestige de la chapelle ancienne, d'où le grand intérêt qu'on doit lui porter. Il ne s'agit très probablement pas de la statue antique des fontaines, ne serait-ce que à cause du poids de la statue qui se présente à nos yeux et de sa forme, dont l'archaïsme, tel qu'on peut le constater, est, en fait, trop modéré pour être très ancien. Mais voilà qu'un examen plus poussé de la statue apporte un autre trouble. Il dévoile à sa base arrière une inscription non signalée jusqu'à ce jour, inscription où il est question de "pescatores" et qui indique une date MDCCCLXXX. L'inscription nécessite un examen plus poussé qu'on se propose de faire. Toutefois vient immédiatement à l'esprit l'hypothèse qu'il s'agit peut-être de la date à laquelle la statue aurait été repeinte lors de la reconstruction de la chapelle au XIXé siècle et non d'une statue du XIXè siècle.
Un autre trait remarquable, qui traduit la fonction de secours dévolue à la chapelle et qui fut affirmée en 1860, est la longue inscription qui se déroule de chaque côté de la nef, de la porte d'entrée jusqu'au chœur. Sous la forme de deux longs phylactères, en grandes lettres gothiques, elle fut l'œuvre, dit-on, d'un peintre local, M. Machard qui aurait peint aussi une partie de l'église paroissiale et qui aurait travaillé à Pontmain. Le titre en est "Oraison secrète de l'office de la vigile de l'Assomption".Une des inscriptions estainsi libellée :" Que l'intercession de votre divine mère vous rende nos dons bien agréables, Seigneur, car vous l'avez retirée de ce monde afin qu'elle intercédât avec confiance pour nos péchés. Ainsi soit-il." et la seconde qui fait face à la précédente : " Que votre peuple, Seigneur, soit protégé par les prières de la mère de Dieu et faites nous ressentir les effets du pouvoir qu'elle a d'intercéder auprès de vous dans la gloire céleste. Ainsi soit-il." Ces deux phrases évoquent à la fois l'appel aux dons à faire par les fidèles, l'intercession auprès du Seigneur par l'intermédiaire de la Vierge, la rémission des péchés, la protection. On est loin certes de la fontaine guérisseuse, des déplacements de la statue de la fontaine et des ermites, mais ily a bien un fil conducteur qui s'est maintenu à travers les siècles et qui vise la protection des fidèles, comme l'eau censée protéger et guérir les malades.
- L'impact de la chapelle et l'attachement des paroissiens à Courbefosse
L'attachement populaire à Courbefosse s'est manifesté sous trois formes :
- la manifestation de 1905,
- la présence des ex-veto,
- les diverses cérémonies religieuses qui s'y sont déroulées.
On ne saurait passer sous silence, malgré un côté excessif de la part de certains paroissiens, l'inventaire de la chapelle, en 1905, à la suite de la séparation de l'Église et de l'État, ainsi que l'ambiance qui régna pendant l'opération. La chapelle de Courbefosse, propriété de la paroisse, fut inventoriée lors du changement de son statut juridique, puisqu'elle devint alors propriété de la commune. Après l'inventaire de l'église paroissiale, qui suscita une opposition violente et des insultes à l'adresse des représentants de l'État chargés des inventaires, eu lieu celui de Courbefosse. Le compte- rendu officiel à ce sujet est éloquent. Après l'énumération des statues et des objets, tels que chaises, bancs, chandeliers, etc, et la mention d'une parcelle de terre attenante à la chapelle, on lit dans les"Observations d'ordre général" rédigées par l'agent de l'État, à propos de Courbefosse : " nous avons été de nouveau accueillis par une foule énorme et très menaçante et criant, comme nous l'avions déjà été. A la tête des manifestants se trouvaient une dame (illisible) négociante à Fougerolles et une demoiselle D... habitant également à Fougerolles. Parmi les injures et menaces de toutes sortes qui m'ont été faites, je tiens à signaler la menace suivante : "Nous te ferons ton affaire". Il y eu donc là une vive réaction de défense de la chapelle par les paroissiens.
Il y a aussi, comme autres preuves d'attachement à la chapelle, les ex-veto qui parent les murs intérieurs, et dont les dates s'échelonnent des années 1870 à la première moitié du 20é siècle. parmi eux, les simples "Reconnaissance", les "Merci" dont on ignore la motivation ainsi que le nom des personnes concernées. Mais il en est qui sont très explicites. L'un d'eux est le "Témoignage de reconnaissance offert à N.D de Courbefosse par Mademoiselle Emérentienne Mérienne sacristine de la chapelle de 1863 à 1880". Un autre est celui du curé de la paroisse : "Amour et reconnaissance à Marie. H.C. curé de la paroisse". Il s'agit du curé Henri Chevalier (fin du XIXé-début du XXé siècle). S'ajoutent les demandes de protection et les témoignages de remerciement formulés par les soldats. Un cadre renferme 28 médailles militaires avec les noms des combattants. L'un d'eux y a même joint sa croix de Légion d'Honneur. Parmi elles se distinguent celles des glorieux cavaliers attaquant de front.
Enfin, autre preuve d'attachement à Courbefosse, les nombreuses cérémonies religieuses qui s'y déroulaient. il faut rappeler, outre le passage de la procession des Rogations qui en avait fait une étape, les processions du 15 août qui se déployaient le long de la petite route sinueuse, avec la musique de la fanfare en tête, les chants, puis, dans la chapelle, le sermon et la cérémonie religieuse. Comme la chapelle était beaucoup trop petite pour contenir tous les participants, une partie de ces derniers devait se contenter du chemin et de l'allée conduisant à la chapelle, suivre l'office,debout, et ce, après une marche de 3 km. A cette occasion on a même vu parfois s'installer près de la chapelle un stand venu du bourg, qui proposait des boissons. La procession du 15 août était très suivie notamment autrefois et pendant la dernière guerre. Il y eut aussi, pendant un temps, avant la guerre, des processions matinales organisées le lundi de la Pentecôte avec le même rituel. S'ajoutaient au cours de l'année, les célébrations de messes ainsi que les pèlerinages et visites individuelles du dimanche après-midi.
Si les processions à Courbefosse ont vécu, si la chapelle est aujourd'hui un peu désertée, si certains de ses murs se lézardent, si l'humidité vient à bout du crépi intérieur en certains endroits, l'autel et la statue de N.D de Courbefosse sont encore régulièrement fleuris par les voisins. Certains d'entre eux en détiennent la clé. Courbefosse fut, dans l'esprit des Fougerollais, une chapelle populaire. A-t-elle attiré la population à cause de ses origines imprégnées de mystère et enracinées dans la nuit des temps? Où à cause de ses régulières et anciennes processions qui permettaient à la communauté paroissiale de se retrouver, Où parce que, plus prosaïquement, elle permettait de joindre le culte à la promenade à travers la campagne profonde, sur la route de l'Abbaye voisine, vers la Normandie? En fait, Courbefosse était presque considérée comme l'annexe de l'église paroissiale, qui, rappelons-le était elle même sous le vocable de l'Immaculée Conception.
Texte de Madame Flatrès-Mury
Extraits de "Histoire de Courbefosse"
En 1935 l'abbé M. Prud'homme a publié dans "L'Ami des Familles de Fougerolles" des écrits sur Courbefosse. En voici quelques extraits :
" Bientôt la célébration du saint sacrifice fut interrompu dans le sanctuaire. On n'y vit plus venir de processions joyeuses et suppliantes, seulement on s'y rendait secrètement le dimanche. La chapelle allait tomber en ruines. Trois jeunes gens se sentirent pris d'une profonde tristesse en voyant l'état de délabrement d'un édifice autrefois si célèbre et dans lequel sans doute ils avaient reçu des faveurs. A leurs frais ils firent refaire la couverture. Puis un peu plus tard le bruit se répandit qu'un étranger allait acquérir Courbefosse et que l'on ne pourrait plus être assuré de la conservation d'un sanctuaire cher au cœur de tous les habitants du pays. A cette nouvelle les Fougerollais se réveillèrent, ils avaient toléré trop longtemps un état de choses indigne d'eux et surtout de leur sainte protectrice. Une quête aussitôt entreprise procura ce qu'il fallait pour l'acquisition et pour les réparations nécessaires. Sous les pieds de Notre-Dame de Courbefosse se trouve déposée une petite boîte qui renferme la liste de tous ceux qui ont contribué par leurs offrandes à la restauration du sanctuaire."
"Le 20 octobre 1860 le conseil de fabrique de Fougerolles se rendit acquéreur de la chapelle de Courbefosse, il y avait été autorisé par décret de l'Empereur daté de Thonon le 31 août de la même année. La chapelle a été rachetée (pour la somme de huit cent francs) du sieur François Fournier et de dame Renault son épouse. L'acte fut passé par devant M. Lesaulnier notaire à Fougerolles."
" Monsieur le curé (Basile Guesdon) sollicita la permission de bénir la chapelle renouvelée et d'y célébrer la Ste Messe. La cérémonie de la bénédiction fut très belle, surtout par l'extraordinaire concours de fidèles. Une affluence de quatre mille personnes environ ........ Ce même jour on reproduisit la cérémonie touchante dont les vieillards avaient gardé le souvenir et qui avait précédé la Révolution. L'image vénérée qui avait été portée au presbytère pour qu'on put facilement la réparer, fut reportée triomphalement au sanctuaire. La statue reposait sur un brancard décoré que portaient les jeunes filles vêtues de blanc. Vingt arcs de triomphe rivalisant d'élégance, s'échelonnaient de distance en distance le long du parcours."
Date de dernière mise à jour : 2021-07-05 10:26:54